Lac envahi par de la Jussie © Alain Dutartre (Irstea)
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SPABIO - Bioéconomie dynamique spatialisée des invasions biologiques : preuve de concept pour la gestion de la jussie en Brière

La gestion des espèces exotiques envahissantes pose des problèmes complexes relevant d’approches interdisciplinaires couplant écologie et économie. Les outils bio-économiques d’aide à la décision sont encore peu développés et les modèles existants souffrent notamment d’un manque de réalisme écologique, d’une complexité importante les rendant peu applicables à des cas concrets et d’une relative déconnexion avec les problématiques et besoins rencontrés par les gestionnaires de milieu. Ils fournissent généralement des résultats généraux ayant relativement peu d’impact sur le terrain.

Démarches

Lac envahi par de la Jussie © Alain Dutartre (Irstea)

Il est nécessaire d’améliorer l’opérationnalité des modèles notamment pouvoir répondre aux arbitrages posés par la gestion des espèces exotiques envahissantes où les gérer, quand les gérer, quelles invasions gérer en priorité et comment le faire?  Pour cela, SPABIO s’appuie sur une collaboration transdisciplinaire entre écologues, économistes et gestionnaires des milieux naturels pour :

  1. Développer une nouvelle classe de modèles bio-économiques écologiquement réalistes et directement applicables aux problèmes concrets rencontrés par les gestionnaires.
  2. Apporter une preuve de concept pour ce nouveau cadre théorique en utilisant le cas de la jussie dans le Parc Naturel Régional de Brière.
  3. Préparer l’application du cadre théorique à d’autres espèces exotiques envahissantes dans des contextes variés.

SPABIO a nécessité un important travail de numérisation des chroniques spatiales d’abondance et d’arrachage des jussies en Brière dont des éléments n’étaient disponibles qu’en format papier.

Une modélisation s'adaptant à la structure des données collectées par les gestionnaires a été développée. Le modèle écologique est un modèle multi-état (4 classes d’abondance), dynamique (22 années), spatialisé (17000 cellules carrées de 1 ha). Le modèle de la relation coût-effort d’arrachage est une régression linéaire multiple. Enfin, le couplage bio-économique des deux modèles s’effectue via un calcul de coût efficacité (coût pondéré par la probabilité de diminuer l’abondance en jussies).

Résultats

Sur la gestion de la dynamique de la Jussie

Le modèle écologique suggère que l’effet de l’effort d’arrachage dépend de l’abondance de la plante. Lorsque la Jussie est très abondante dans le milieu, l’arrachage favorise une transition vers des abondances moindres. En revanche, lorsque le milieu est peu envahi, l’arrachage accélère l’envahissement.

Le modèle économique suggère une relation coût-effort quasi linéaire et donc pas d’économie d’échelle. Enfin, le couplage bio-économique suggère que l’arrachage est efficace bio-économiquement uniquement dans les zones fortement envahies.

Nos résultats sur la Jussie en Brière suggèrent que la stratégie consistant à tenter l’éradication de la plante lorsqu'elle est encore peu abondante (stratégie dite de la “courbe d’invasion”) peut être contre-productive. Cela s'avère en soit un résultat extrêmement intéressant et original venant remettre en question la principale règle d'or en matière de gestion des invasions, à savoir l'impératif de contrôler en priorité les zones faiblement envahies afin de répondre de manière coût-efficace à la dynamique d'invasion. Ce résultat, sans pour autant remettre en question l'importance des actions de gestion précoces, appelle à une application de cette règle au cas par cas, en catégorisant les invasions pour lesquelles elle s'applique et celles pour lesquelles elle ne s'applique pas.

Sur la priorisation des efforts de gestion de la Jussie

Notre analyse bioéconomique a produit des résultats fondamentaux en matière de priorisation spatiale des efforts de gestion en prenant en considération la dynamique de dispersion d'une part, les coûts de gestion spatialisés de l'autre. Sur le plan pratique, et pour la gestion des jussies en particulier, ce résultat devrait se traduire par l’abandon des interventions dans les zones faiblement envahies au profit d'une priorisation des efforts dans les zones fortement envahies et notamment focaliser les efforts d'arrachage sur les grands canaux fortement envahis (i.e. voies de communication fluviale).

Sur la forme des données pouvant être intégrées dans une modélisation

La disponibilité et la qualité des données des gestionnaires peuvent limiter la mise en place de modèles bio-économiques adaptés à leurs besoins. En Brière, les données d'abondance des jussies étaient déjà au format SIG, et leur formatage pour la modélisation n’a pas posé de gros problème. Par contre, les données sur les chantiers d’arrachage (emprise spatiale, coûts) n'étaient pas disponibles avec une qualité suffisante. Le développement futur de modèles bio-économiques d’appui aux gestionnaires implique de leur part d’acquérir une culture accrue de la donnée scientifique.

Participants

Structures INRAE

  • UMR DECOD - Dynamique et durabilité des écosystèmes : de la source à l’océan
  • UMR CEE-M - Centre d’Économie de l’Environnement de Montpellier - Université de Montpellier
  • UMR PSAE - Paris-Saclay Applied Economics - Université Paris-Saclay / AgroParisTech

Partenaires externes

 

Contacts - coordination

 

Voir aussi

La présentation des premiers résultats et le diaporama à télécharger (webinaire1_SPABIO)

Pour en savoir plus : consultez le bilan scientifique et retrouvez les principales publications sur le HAL BIOSEFAIR